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Manufacture de porcelaine
Ecole Normale Supérieure de jeunes filles
Centre International d'Etudes Pédagogiques |
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Manufacture de porcelaine 1756-1876
Ecole Normale Supérieure de jeunes filles 1881-1940
Centre International d'Etudes Pédagogiques 1945-à nos jours
un seul édifice mais plusieurs histoires
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CIEP de 1945 à nos jours |
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Entrée principale Avenue Léon-Journault
vue depuis l'avenue Camille See
avec, à droite le square Pompadour et à gauche le square Carrier Belleuse |
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Créé en 1945, par Gustave Monod, le Centre international d’études pédagogiques (CIEP) est un établissement public placé sous la tutelle directe du ministère de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il est reconnu en France et à l’étranger pour ses compétences en matière d’expertise, de formation, d’évaluation et de gestion de projets internationaux. Il intervient dans deux domaines d’activité : l’éducation (enseignement général, professionnel et supérieur, reconnaissance des diplômes) et les langues (langue française, évaluation et certifications en français, langues étrangères et mobilité). Le CIEP est aussi un espace d’information et de débats, un lieu d’accueil de séminaires et de conférences qui contribue à la réflexion dans le domaine de la coopération internationale en éducation. Pour conduire ses actions, il s’appuie sur un réseau d’experts et de partenaires nationaux et internationaux ainsi que sur le savoir-faire d’une équipe de 250 personnes. Il dispose d’un Centre local à La Réunion. Le CIEP est membre de la COMUE Sorbonne Universités depuis 2014. |
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Entrée coté cour du Roi
Voirr la même en 1906 |
Pavillon du Roi 1754-1756 |
Fontaine de la cour du Roi
Détail |
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Pavillon Lully |
Salle de la Grande Bibliothèque |
Couloir du rez de chaussée |
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Le CIEP publie la Revue internationale d’éducation de Sèvres 3 fois par an.
Diffusée dans 80 pays.
Depuis sa création en 1994, elle a publié 1000 auteurs de 110 pays. Elle est repérée dans différents classements internationaux et a reçu le label ERIH PLUS.
En 2012, la revue a rejoint la plateforme d'édition en sciences sociales et humaines OpenEdition.
Ses numéros sont disponibles en libre accès après 2 ans sur revues.org.
Les résumés des articles sont disponibles en ligne en français, anglais et espagnol.
Ses numéros sont disponibles en libre accès après 2 ans sur revues.org
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Les Directeurs du CIEP |
1945-1966
Madame Edmée Hatinguais, Inspectrice générale de l'Instruction publique. |
1966-1983
Monsieur Jean Auba, Inspecteur général de l'Instruction publique. |
1983-1990
Madame Jeannine Feneuille, Inspecteur général de l'Instruction publique puis de l'Education national en 1980. |
1990-1994
Madame Michèle Sellier
Inspecteur général de l'Education national. |
1994-1998
Monsieur Gilbert Léoutre, Inspecteur général de l'Education national. |
1998-2000
Monsieur Christian Nique, Inspecteur général de l'Education national. |
2000-2006
Monsieur Albert Prévos, Inspecteur général de l'Education national. |
2006-2007
Madame Nicole Bensoussan, Professeur des Universités. |
2007-2010
Monsieur Tristan Lecoq, Inspecteur général de l'Education national. |
2011-2014
Monsieur François Perret
Inspecteur général de
l'Education national.
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2014-
Monsieur Daniel Assouline
Inspecteur général de
l'Education national. |
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Ecole normale supérieure de jeunes filles 1881-1940 |
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Façade principale
avec, déjà à cette époque, un square entre la grande rue et l'établissement.
Photo 1919 |
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Dans l'enceinte du parc du Centre Internetional
d' Étude Pédagogiques se tient encore aujourd'hui
un élégant pavillon carré couvert d'ardoise auquel
est attaché le nom de Jean-Baptiste Lully (1632-1687).
Le pavillon Lully s'est d'abord appelé "La Diarme", "La Chapelle" puis "L'Opéra". Il constitue sans doute le vestige d'une fort belle demeure construite au XVIIème siècle ("La Guyarde"), dont le premier propriétaire pourrai bien avoir été J.B. Lully.
L'implantation de Lully à Sèvres est par ailleur rendue vraisemblable par le fait que sa protectrice, Madame de Montespan, possédait, elle aussi, une retraite en ces lieux. |
Le pavillon Lully
Photo 1917 |
[source : Histoires Musicales des Hauts-de-Seine Juin 1993] |
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Entrée coté cour du Roi
Photo 1929 |
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Les lois fondatrices de l’enseignement féminin.
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les établissements d’enseignement féminin relevaient de l’enseignement primaire. Les autres initiatives étaient privées ; laïque ou religieuse.
Jules Ferry s’était engagé dans la construction d’une école républicaine, laïque et obligatoire pour tous. Il avait fait voter, le 09 août 1879, une loi qui obligeait chaque département à entretenir une école d’instituteurs. Ce programme s’accompagnait de la création des Ecoles normales supérieurs primaires de Fontenay-aux-Roses, ouverte aux jeunes filles, instituée par décret le 13 juillet 1880 et de Saint-Cloud, destinée aux garçons, par décret du 22 décembre 1882. Leur mission était de former les directeurs, directrices et professeurs des Ecoles normales primaires ou des Ecoles primaires supérieures.
A la même époque, un jeune député du nom de Camille Sée, qui avait collecté des informations en France et à l’étranger, eut l’idée de faire une nouvelle proposition portant sur la création de l’enseignement secondaire féminin.
La loi du 21 décembre 1880 porte sur la création des Lycées et Collèges de jeunes filles. Suite à un examen, un diplôme est délivré aux jeunes filles qui ont suivi les cours des établissements publics d’enseignement secondaire. L’établissement doit être dirigé par une femme ; l’époque imposait que l’éducation des jeunes filles fût faite par des femmes.
Un an après, Camille Sée obtient sans difficulté le vote d’une autre loi, celle du 26 juillet 1881 portant sur la création d’une Ecole normale de professeurs-femmes, destinée à préparer uniquement les professeurs-femmes pour l’enseignement secondaire de jeunes filles.
Il fallait loger les élèves dans un endroit assez proche de Paris pour permettre la venue des meilleurs professeurs parisiens. Le choix de Jules Ferry se porta sur les locaux abandonnés de l’ancienne manufacture de Sèvres.
Jules Ferry mit sur pied l’équipe du personnel dès octobre 1881 avec l’aide du directeur de l’enseignement secondaire, Charles Zévort, et du Recteur de l’Académie de Paris, Octave Gréard. Le titre de directeur d’études fut remis à Ernest Legouvé, Inspecteur général de l’Instruction publique, âgé de 74 ans et la direction de l’Ecole confié à Mme Jules Fabre, née Velten, titulaire du brevet supérieur pour l’enseignement primaire. Elle restera quinze ans à la tête de l’établissement, de 1881 à sa mort en 1896.
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Julie Favre, née Velten (1833-1895), dite souvent Madame Jules Favre, est une philosophe et pédagogue française, à qui fut confié le poste de directrice de l’École normale supérieure de Sèvres lors de la création de cette école en 1880. |
L’évolution de Sèvres
Très vite, les Sévriennes deviennent l’élite du corps d’enseignement féminin.
La plupart des non-agrégées sont professeur au collège, les agrégées deviennent professeur de lycées (seule une Sévrienne peut diriger le lycée Fénelon !).
En 1906, Louise Belugou succède à Madame Henri Marion comme directrice. La bibliothèque s’enrichit, les ouvrages sont désormais classés par fiche. L’enseignement se développe sous deux aspects, théorique et expérimental ; un laboratoire est créé. De nouvelles matières voient le jour : histoire, droit, langues vivantes…
Nommé de 18894 à 1900 à Sèvres, Lucien Poincaré est chargé de l’enseignement de la physique. Il mène dès l’origine une campagne très active en faveur de l’enseignement expérimental. Ses successeurs, Marie Curie, Paul Langevin et Jean Perrin donnent à l’enseignement de la physique un développement considérable.
Marie Curie remplace Lucien Poincaré comme maître de conférences de 1900 à 1906. Son rôle a certainement dépassée ce qu’en attendait l’Ecole. Marie Curie s’attacha à Sèvres. Elle donnait deux conférences d’une heure et demie par semaine mais elle ne comptait pas son temps.
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Marie Curie
à Sèvres |
Lire un texte sur Marie Curie
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Quelques personnalités ont marqué également la mémoire des élèves dans le domaine des lettres. Ferdinand Brunot qui occupait la chaire d’histoire de la langue française de la Sorbonne était entré à Sèvres en 1900.
Mario Rocques avait succédé à Ferdinand Brunot en 1925. Paul Desjardins enseigna la littérature française à l’Ecole de 1901 à 1926.
François Le Cœur, fils de l’architecte Charles Le Cœur, s’emploie à moderniser la maison de 1907 à 1912.
Après la Première Guerre mondiale, une des premières questions qui se posent dans le calme et la reprise ordinaire de la vie de l’Ecole est d’ordre administratif. Rattachée depuis 1911 au directeur de l’enseignement secondaire, l’Ecole va être placée par décret du 14 avril 1920 sous l’autorité directe du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts.
Anne Amieux propose d’ouvrir, dans les locaux de l’Ecole normale de Sèvres, une Ecole d’application pourvue de classes primaires et secondaires.
Le décret du 28 septembre 1920 porte sur la création immédiate de l’Ecole d’application. Cette « Ecole annexe », ce lycée si particulier, dans lequel les élèves de l’Ecole font leur stage, peut être considéré comme précurseur actif des lycées expérimentaux.
La voie choisie par la directrice conduisait à faire des Sévriennes l’élite de l’enseignement secondaire féminin.
La directrice pose dès 1920, devant le conseil des professeurs, le principe d’introduction, parmi les activités de l’école, une initiation aux grands problèmes de la vie contemporaine. Il faut attendre 1927-1928 pour la proposition reçoive un accueil enthousiaste.
Anne Amieux réactiva les anciennes traditions de l’Ecole dans sa dimension d’ouverture internationale et les adapta aux réalités du monde contemporain, en faisant du Centre de documentation nouvellement créé une véritable caisse de résonnance des interrogations des Sévriennes. Aussi avait-elle organisé, dès 1881, des cours d’anglais et d’allemand pour les littéraires et les scientifiques. Peu après, en 1890, le ministère de l’Instruction publique transmettait à l’Ecole les demandes d’admission d’élèves étrangères reçus par voie diplomatique. C’est ainsi que, dès 1890 à 1906, l’Ecole offrit bientôt la possibilité aux Sévriennes de partir à l’étranger.
Ce mouvement s’était amplifié dès 1905. A cette époque, Albert Kahn, fondateur des bourses de voyage « Autour du Monde », adressait au Recteur de l’Université de Paris, Louis Liard, une lettre l’informant qu’il étendait aux femmes agrégées les bourses jusqu’ici attribuées aux hommes.
Rattachement de l’Ecole à l’enseignement supérieur
Le rapprochement de l’Ecole de Sèvres avec l’enseignement supérieur ne put se faire qu’au milieu des années trente grâce à Eugénie Cotton, la nouvelle directrice qui avait succédé à Anne Amieux en 1936.
Eugénie Cotton était docteur en sciences physiques et avait travaillé avec Marie Curie dont elle était l’assistante à l’Ecole.
La nouvelle directrice profita de cette dynamique pour faire évoluer le statut de l’Ecole. Grace à sa collaboration active avec le ministre Jean Zay, elle réussit à le convaincre de la nécessité d’un changement. Ses négociations aboutirent au décret du 23 décembre 1936 qui transforma l’Ecole en Ecole normale supérieur de jeunes filles, désormais sœur de la rue d’Ulm et rattachée à l’enseignement supérieur.
La guerre avait surpris l’Ecole dans une situation de dénuement et d’expectative. Le 3 septembre 1939, la directrice rappela tous ses collaborateurs, qui s’employèrent à mettre les locaux en conformité avec les consignes de la défense passive.
L’année se déroula normalement jusqu’à l’offensive allemande ; à la fin mai 1940 les cours avaient encore lieu à Sèvres.
Le 9 juin, le ministère ordonna le renvoi des élèves. Le personnel fut invité à quitter l’établissement.
Dès la mi-juin 1940, des allemands de passage avaient occupé la maison, pillé les provisions, saccagé les chambres mais respecté dans l’ensemble la bibliothèque laissé en désordre. Un contingent de la feldgendarmerie vint s’installé dans les bâtiments pendant toute la durée du conflit. Il en occupa la plus grande partie, réquisitionna les lits et la vaisselle. La réinstallation des élèves était devenue impossible.
Lire l'hommage à Madame Eugénie Cotton du 23 juin 1967.
Gustave Monod, le fondateur et la réforme de l’après-guerre
Au lendemain de la Libération, Gustave Monod, Inspecteur général de l’Instruction publique, est nommé par René Capitant, ministre de l’Education nationale du Gouvernement provisoire, directeur de l’enseignement du second degré. Il enclenche une rénovation profonde et radicale de l’éducation, conçue avec Jean Zay sous le Front populaire, continuée sous l’occupation et dans la Résistance, construite avec le plan Langevin-Wallon. Parce qu’il pense que la réforme de l’éducation doit et ne peut se faire que dans, par et grâce à la comparaison des systèmes éducatifs entre eux, il crée le Centre international d’études pédagogiques, le 30 juin 1945, qu’il imagine comme lieu de rencontre, d’échanges et de réflexion.
Dès octobre 1945, des « 6es nouvelles » sont ouvertes dans 140 établissements. Les 5es, les 4es et les 3es nouvelles suivent d’année en année. Ces classes nouvelles se présentent comme une première tranche expérimentale d’une réforme d’ensemble qui est un véritable projet de société.
Gustave Monod veut créer un climat nouveau dans l’enseignement. Il transforme la structure du corps des professeurs et simplifie le statut des enseignants. L’intense scolarisation des années 1945-1950 appelle des réponses immédiates en matière de recrutement des maîtres. Gustave Monod entreprend de l’améliorer. Il institue un nouveau mode de recrutement des lycées et des collèges : le CAPES, certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (décret du 1er avril 1950), tout en conservant à l’agrégation, ainsi que l’avait écrit Jean Zay, le rôle de « … clef de voûte de notre enseignement ».
Lucy Prenant qui avait enseigné la philosophie à Fénelon avant d’avoir été limogée comme juive, fut nommée, en 1944, directrice de l’Ecole en remplacement d’Edmée Hatinguais. Elle poursuivit le travail entrepris par Eugénie Cotton et orienta ses élèves vers la recherche et l’université. Plusieurs entrèrent au Centre national de la recherche (CNRS) qui connaissait après-guerre une nouvelle impulsion.
Par arrêté signé le 7 avril 1945, Edmée Hattiguais, est nommée par René Capitant directrice du lycée de jeunes filles de Sèvres (emploi créé) jusqu'en 1956.
Sous l’impulsion de sa dernière directrice, Josiane Heulot-Serre, l’Ecole normale supérieure de jeunes filles a fusionné en 1985 avec celle de la rue d’Ulm, anciennement réservée aux garçons, pour former une nouvelle école mixte : l’Ecole normale supérieure d’aujourd’hui.
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Directrices de l'Ecole normale de jeunes filles de Sèvres |
1881-1896
Madame Jules Favre |
1896-1906
Madame Henri Marion |
1906-1919
Mademoiselle Louise Belugou |
1919-1936
Mademoiselle Anne Amieux |
1936-1941
Madame Eugénie Cotton |
1941-1944
Madame Edmée Hatinguais |
1944-1956
Madame Lucy Prenant |
1956-1974
Madame Marie-Jeanne Durry |
1974-1988
Madame Josiane Serre |
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Madame Eugénie Cotton repose au cimetère de Sèvres |
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Madame Edmée Hatinguais repose au cimetère de Sèvres |
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Editions CEF |
Objet de désirs et de convoitises
Le secret de la porcelaine chinoise date des VIIe ou VIIIe siècles, selon les régions. C’est seulement à partir du XVe siècle que la porcelaine se diffuse en Europe et qu’elle commence à être importée pour les cours royales. Malgré de nombreuses tentatives d’imitation, le secret résiste en occident jusqu’au XVIIe siècle.
Toute l’Europe est alors fascinée par cet « or blanc ». Non contents d’en importer d’Extrême-Orient, tous les états vont mettre en œuvre tous leurs moyens pour le produire. La découverte de la porcelaine en Europe serait dès lors issue, dans une certaine mesure, de l’émulation commerciale.
Meissen, la première Manufacture européenne
Le secret de la porcelaine de Chine est découvert en Saxe, dès 1704, par un alchimiste du nom de Johann Friedrich Böttger. Ce secret est étroitement lié à l’utilisation d’une terre rare et précieuse : le kaolin, dont un filon est exploité à Aüe dès 1709. La première fabrique européenne voit le jour à Meissen, un an plus tard. Dès lors, la course au secret se propage dans toute l’Europe.
Prémices d’une fabrication à la française : Chantilly et Vincennes
Sous le règne de Louis XIV, l’administration royale, encore fortement imprégnée des idées mercantilistes, soucieuse de promouvoir les arts français, d’enrayer les sorties de capitaux et de trouver une nouvelle manne financière, encourage les recherches. Saint-Cloud, Mennecy et Chantilly accueillent les premiers ateliers de porcelaine à pâte tendre. En 1738, Chantilly transmet son savoir-faire à la fabrique nouvellement implantée à Vincennes.
Désireux de concurrencer les productions orientales et saxonnes et convaincu de la qualité de la nouvelle pâte mise au point par Claude Humbert Gérin, Jean-Louis Orry de Fulvy intendant des Finances et commissaire du Roi pour la Compagnie des Indes, décide de financer, en avril 1741, cet atelier de fabrication dans une aile du château de Vincennes, la tour du Diable.
Octroi d’un privilège royal à la Compagnie Charles Adam
En 1745, une compagnie d’actionnaires est constituée au nom de Charles Adam, valet de chambre de Fulvy et prête-nom. « Louis XV, sans doute encouragé par la marquise de Pompadour, cliente et protectrice de la première heure, participe aux appels de fonds ». C’est, le 24 juillet 1745, l’octroi d’un privilège royal exclusif de 20 ans pour la production d’une « porcelaine façon Saxe, peinte et dorée à figures humaines ».
Une autre compagnie prête-nom : la société Eloy Brichard
Malgré les progrès techniques et artistiques, la Manufacture s’endetta. Bientôt elle ne put faire face à ces engagements financiers. Cette grave crise interne culmina à la mort de Fulvy, en mai 1751. Le Roi décida de rembourser les actionnaires. La société de Charles Adam est dissoute le 1er octobre 1752 et une nouvelle compagnie est constituée le 19 août 1753 au nom d’Eloy Brichard. Le Roi souscrivit pour un quart du capital ; le privilège fut confirmé, officialisant l’emploi du monogramme de Louis XV : deux lettres « L » entrelacées, nouvelle marque de fabrication et le titre de « Manufacture royale de porcelaine »
Même si la Manufacture ne possédait pas encore le secret de la porcelaine dure, elle parvint, dès ses débuts, à une production artistique d’une très grande richesse et d’une très grande qualité.
Sèvres, un symbole d’exception 1756-1800
Le choix de la marquise de Pompadour
Au fur et à mesure de ces progrès, le personnel de la Manufacture n’avait cessé d’augmenter et les locaux étaient devenus trop exigus ; par ailleurs, le château de Vincennes se trouvait isolé, loin de la cour, et le petit bureau de vente ouvert à Paris ne suffisait pas pour recevoir la clientèle. Un transfert était inévitable.
La décision de déménager fut prise dès 1751 et un terrain acquis en 1752, à Sèvres, sur la route de Paris et Versailles. Le choix de Sèvres fut sans doute celui de Madame de Pompadour. Elle le fit avec la complicité de l’un des intéressés, le fermier général Jean-François Verdun de Montchiroux, au nom duquel le terrain fut acheté. Plus de 800 000 livres avaient été prévues tant pour l’exploitation de la Manufacture que pour la construction des bâtiments. Favorite, confidente et conseillère de Louis XV, la marquise joua un rôle clef dans l’implantation d’une Manufacture sise à proximité de son château de Bellevue édifié trois ans plus tôt, mais aussi dans le choix des artistes qu’elle attira à Sèvres.
C’est sur l’emplacement de la ferme de la Guyarde, propriété du sieur Saint-Gilles qui passait pour avoir appartenu à Jean-Baptiste Lully, que la nouvelle Manufacture fut construite. L’architecture fut confié à Laurent Lindet, qui malgré son titre « d’architecte vérificateur des Bâtiments du Roi » fit « moins carrière d’architecte que de toiseur ». Le projet fut en réalité confié à Jean-Rodolphe Perronet, académicien et fondateur de l’Ecole des Ponts et Chaussées. Les plans furent approuvés par le Roi et les travaux très rapidement menés.
La construction prit à peine trois années, de 1753 à 1756. Situé dans un talweg entre deux interfluves, adossé à la colline de Sèvres et faisant face à celle de Saint-Cloud, le choix du terrain fut malheureux – le bâtiment dut être construit sur la pente d’un coteau humide dont le sous-sol était miné par des carrières.
Cependant les concepteurs surent habilement s’adapter aux difficultés du terrain ainsi qu’aux exigences spécifiques d’un cahier des charges contraignant : associer une résidence royale et ses exigences protocolaires avec une entreprise très spécialisée ; concilier la présence d’une grande variété d’ouvriers et d’ateliers dont les méthodes de fabrication devaient rester secrètes et d’un public qui ne devait croiser ni le Roi ni les ouvriers.
La Manufacture royale s’installe à Sèvres
A la fin de l’été 1756, la vie des habitants de Sèvres se trouva bouleversée par l’arrivée de deux cents ouvriers, venus de Vincennes avec leurs familles. Les frais occasionnés par ce nombreux personnel de qualité auxquels s’ajouta le coût du transfert à Sèvres entrainèrent une nouvelle fois la ruine de la société. Le Roi décida d’intégrer la Manufacture dans le domaine de la couronne et dès le 1er octobre 1759, il en devint l’unique propriétaire. Cette décision politique confortait les prouesses techniques et artistiques et allait permettre à la Manufacture de Sèvres de donner le ton à toute la porcelaine européenne.
Sèvres était devenu une marque d’exception dont le succès ne s’est jamais démenti depuis. La sculpture en biscuit connaissait un développement considérable. François Boucher continuait d’être l’une des principales sources d’inspiration des groupes ou figures d’enfants ou d’adolescents dérivés du théâtre ou de la vie champêtre. En 1757, Etienne-Maurice Falconet fut appelé par le Roi pour diriger les ateliers de sculpture. Nommé académicien en 1754, dans la pleine maturité de son talent, il s’occupa de Sèvres pendant 10 ans. La marquise de Pompadour lui commanda plusieurs allégories.
Le Roi était très attentif à la fabrication de la porcelaine et fut l’un des premiers clients de la Manufacture. Les créations les plus récentes y étaient exposées et vendues. Ces expositions se transformèrent en tradition annuelle.
L’acquisition de la formule
Il fallut attendre 1763, l’année de la fin de la guerre de Sept ans et du traité de Paris, pour permettre au royaume de France d’accéder aux premières formules de la composition. Cette même année, Boileau rencontra Pierre-Antoine Hannong, fils cadet du propriétaire de la Manufacture de Frankenthal, qui détenait les secrets du procédé. Il n’eut aucune peine à le séduire, Hannong « s’engagea à vendre au Roi les secrets convoités de Frankenthal moyennant une somme de six mille livres et une rente viagère de trois mille livres »
La quête du kaolin
Il ne suffisait pas seulement d’être en possession de la formule pour être en mesure de produire, en parfaite autonomie et en grande quantité, la fameuse pâte dure. Il manquait l’ingrédient indispensable : le kaolin. Un message fut envoyé par Bertin à tous les intendants du royaume pour trouver, sur leurs terres ce précieux matériau. L’archevêque de Bordeaux, Millot, fit parvenir un peu de cette terre si recherchée qu’il tenait d’un certain Villaris, apothicaire de la ville.
Celui-ci, comprenant les enjeux financiers liés à cette découverte, demanda à être récompensé, menaçant de refuser de livrer le secret. Robert Millot, le chef des fours, et Pierre-Joseph Marquet, le chimiste, furent mandatés sur place. Ils finirent par découvrir le lieu du gisement à Saint-Yriex-La-perche. La légende veut que ce soit la femme de Jean-Baptiste Darnet , chirurgien du lieu, qui ait attiré l’attention de son mari sur la blancheur de cette matière qu’elle utilisait pour lessiver son linge.
Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, Sèvres continua à fabriquer des porcelaines en pâte dure et en pâte tendre. « La première pièce en porcelaine dure sortie des ateliers de Sèvres en 1768 fut un petit Bacchus émaillé conservé au Musée de céramique. »
La nouvelle porcelaine royale (le titre de porcelaine de France » continuait à désigner la pâte tendre) fut présentée au Roi à l’exposition annuelle à Versailles, en décembre 1769. Elle fut commercialisée à partir de 1770.
Les aléas financiers de 1772 à 1800
De 1772 à 1778, sous la direction de Melchior-François Parent puis Pierre-Jean Roger, la Manufacture souffrit de malversations et de spéculations malheureuses
De 1780 à 1789, sous la surveillance du comte d’Angiviller, les comptes furent assainis et la Manufacture retrouva une période calme.
Puis vint la période révolutionnaire, catastrophique pour cette fabrique de produits de luxe. Après la chute de la royauté, des scellés furent apposés sur les secrets de la pâte tendre. Ce fut le début d’une période très sombre où les ouvriers étaient épuisés, souffrants et malades.
Le 17 juillet 1793, Dominique-Joseph Garat, ministre de l’Intérieur prit la décision de faire entrer la Manufacture dans ses attributions. Il choisit de substituer les deux lettres « L » entrelacées par le mot Sèvres accompagné des initiales de la République française « RF ».
Le renouveau de l’administration Brongniart
Malgré le retour à la stabilité politique, avec le Directoire et surtout le Consulat, et le renouveau du luxe, qui provoqua d’innombrables demandes de livraisons pour les services officiels et les présents diplomatiques, la situation financière restait désastreuse. Il fallut attendre la reprise en main des comptes en 1800 par Lucien Bonaparte, ministre de l’Intérieur, pour retrouver une situation saine.
Le choix d’Alexandre Brongniart pour relever une fabrique de porcelaine prestigieuse mais dans un état déplorable se révéla l’un des plus heureux et il preuve d’immenses qualités à la tête de la Manufacture jusqu’à sa mort en 1847.
Après la mort de Brongniart, Jean-Jacques Ebelmen prit la direction de l’établissement de 1847 à 1852. Il développa surtout le perfectionnement des procédés du coulage et de la synthèse minéralogique qui permirent des évolutions pour la cuisson au grand feu.
La Manufacture sous le Second Empire
De 1852 à 1870, l’illustre physicien Henri-Victor Regnault, membre de l’Académie des sciences, Officier de la Légion d’honneur, fut nommé directeur de la Manufacture. C’est au cours de ces années du Second Empire que Sèvres en vint à occuper une place comparable à aucune autre dans le monde céramique en pleine mutation. Ce fut l’époque de la production de pièces de très grandes dimensions, destinées presque uniquement à l’Empereur et aux membres de son cercle.
Après la démission de Regnault en 1870, c’est au chimiste Louis Robert, devenu successivement chef de l’atelier de peinture sur verre puis des ateliers de décoration, que fut confié la direction de l’entreprise, jusqu’à sa retraite en 1879. Le budget de Sèvres était passé sous l’Empire de 350 000 francs à 580 000 francs.
Enfin, c’est sous le Second Empire que l’on prit la décision de transférer la Manufacture dans un ensemble de bâtiments nouveaux, plus spacieux et mieux adaptés, spécialement construits le long de la Seine. Le déménagement fut retardé par la guerre de 1870 et n’eu lieu qu’en 1876. Les bâtiments furent occupés et inaugurés en 1877.
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Les sources des textes de cette page sont :
Le Centre international d'études pédagogiques
à Sèvres.
Une histoire plurielle d'un lieu singulier
et Wikipédia |
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